Fanny et Jules s’apprêtent à organiser leur grand barbecue de l’été. Fanny accepte de surveiller les grillades à condition que Jules se charge du ravitaillement. Ne sachant pas combien de steaks acheter pour les hamburgers, Fanny envoie un très court sondage à tous les invités. Lorsque Jules consulte les résultats du sondage, il est stupéfait : 0 % des invités veulent manger des hamburgers ! Il jette alors un coup d’œil à la question posée par Fanny :
Voulez-vous qu’un animal sans défense soit tué puis dépecé pour votre seul plaisir, et que je sois obligée de sentir l’odeur de la cuisson en pleurant silencieusement, car cela me rappellera les animaux de la ferme de mon enfance ?
Jules secoue la tête et soupire : « Il faut vraiment que je me charge de tout dans cette maison ! » Il rédige alors une nouvelle question et l’envoie aux invités :
Voulez-vous soutenir les éleveurs français en ces temps difficiles en mangeant de délicieux steaks hachés dans des hamburgers ?
« Voilà qui est mieux ! » se dit-il, satisfait.
Qui a raison ? Fanny ou Jules ?
En fait, ils ont tort tous les deux. Les questions posées par Fanny et Jules étaient biaisées. Les questions biaisées influencent l’avis des personnes interrogées, ce qui impacte leurs réponses.
Un risque de données faussées
Lorsque les participants à un sondage ne répondent pas ce qu’ils pensent, mais ce que vous souhaitez entendre, tout le monde y perd. Et le plus embêtant, c’est que vous obtiendrez des résultats faussés. La question de Fanny aura pour conséquence l’achat d’un nombre insuffisant de steaks hachés, alors qu’avec la question de Jules, vous risquez d’en avoir trop. Résultat : soit vos invités resteront sur leur faim, soit vous aurez dépensé de l’argent inutilement. Cela peut paraître dérisoire dans le cadre d’un simple barbecue (ne le dites pas à Fanny et Jules). Mais lorsqu’une entreprise doit prendre des décisions stratégiques en se basant sur les résultats d’un sondage, les enjeux prennent une tout autre dimension. À terme, des clients mécontents ou des produits invendus peuvent causer la perte de votre entreprise. Sans parler du fait que des questions biaisées vous feront perdre toute crédibilité auprès des participants au sondage. Généralement associées à un manque de professionnalisme (ce qui n’est jamais bon pour les affaires), elles risquent de nuire à l’image de votre marque ou de votre entreprise.
Comment résoudre ce problème ?
Faites en sorte que les participants à votre sondage se sentent libres de répondre avec franchise. Voici quelques conseils :
- Supprimez toute information inutile. Au lieu d’exprimer votre sensibilité envers la cause animale ou votre soutien aux éleveurs de bovins français, soyez simple et direct. Vous pouvez par exemple demander : « Combien de hamburgers mangez-vous habituellement lors d’un barbecue ? » Cela laisse à chacun la possibilité de répondre franchement, sans être influencé par ce qu’il pense que vous voulez entendre.
- Équilibrez la question. Présentez la question sous ses deux angles. Par exemple : « Voulez-vous un hamburger, ou non ? »Vous indiquez ainsi à vos interlocuteurs qu’ils sont libres de répondre par la négative.
- Équilibrez le sondage. Lorsqu’il est difficile d’équilibrer la question elle-même, faites en sorte de proposer une alternative dans le reste du sondage. Dans le cas de Fanny et Jules, ils pourraient interroger leurs invités d’abord sur des hamburgers « classiques », puis sur des hamburgers végétariens.
Conclusion : lorsque vous rédigez les questions d’un sondage, gardez vos opinions (et vos biais) pour vous. Vous préserverez ainsi la qualité de vos données.
Quant au barbecue de Fanny et Jules, si nous sommes invités, sachez que nous aimons autant les hamburgers « classiques » que végétariens. Nous sommes comme ça !